La philosophie Montessori appliquée à l'entreprise.

5/3/2021
Co-signé par
Floran vidal

Et si nous étions tous de grands enfants avides de découvertes ? Voilà comment la méthode éducative Montessori peut investir le champ de l’entreprise. Pour en savoir plus, et tenter de trouver des corrélations entre ces deux mondes, nous avons convié Amélia Matar et Perrine Legal, cofondatrices de COLORI, une méthode sans écran d'initiation à l'informatique et à la technologie, et Florian Zilliox, coach agile chez TAK. 

Sommaire


Au début de l’histoire, une pédagogue fascinée par les périodes de la petite enfance

Maria Montessori est une pédagogue reconnue, notamment pour être une des premières femmes médecins en Italie. Elle a développé plusieurs principes et développé une pédagogie extrêmement vaste, dont le concept de périodes sensibles, « où l’énergie et les possibilités d’apprentissage sont décuplées. Si bien qu’il faut proposer aux enfants des activités qui y correspondent. Entre 0 et 6 ans la parole, entre 18 mois et 4 ans, les mouvements, ensuite l’ordre, etc. » explique Amélia Matar.

Pour imaginer transposer la méthode au sein de l’entreprise, considérons que ces périodes sensibles continuent aussi dans notre envie d’adulte. « Par exemple, la parentalité est le plus souvent perçue de manière négative, alors que cela peut justement ouvrir des possibilités, car les parents cherchent l’efficacité, ils sont animés par une énergie nouvelle ».

Pour Perrine Legal : « La plupart des individus traversent les mêmes phases, mais à des périodes différentes. En entreprise, quand on est une nouvelle recrue, c’est la découverte, le changement, un nouvel état d’esprit dont on peut retirer quelque chose ».

Des étapes qui ressemblent à l’organisation des entreprises

La méthode Montessori se base sur 6 piliers : les périodes sensibles, la manipulation des objets, le libre choix, la concentration, la liberté + la discipline et enfin l’émerveillement. 

Pour Florian Zilliox, ces étapes et plus spécifiquement les périodes sensibles, peuvent s’apparenter à une méthode de travail développée dans les années 60 par le psychologue américain Bruce Tuckman : « Il a identifié ce moment où l’individu entre dans une équipe, une organisation et 5 étapes se succèdent :

  1. Le forming, l’équipe se forme, est réceptive à tout
  2. Le storming : un besoin d’affirmation de soi tout à coup ; l’individu reprend son individualité, il a besoin d’exister, ne craint pas d’entrer en conflit 
  3. Le norming : il est dans la coopération, décuple ses efforts 
  4. Le performing : où il s’agit de renforcer le groupe sans altérer l’individu
  5. Une période de deuil, avec un départ dans l’équipe, ou un évènement qui met fin à un projet

Tuckman ne parle pas d’agilité à l’époque, mais par ces grandes étapes, on comprend qu’il faut accompagner l’équipe et l’individu ».

Amélia Matar rebondit sur ce point : « Il faut observer l’entreprise pour voir comment se comportent les individus et adapter ses propositions à la période sensible en question ». C’est aussi ce que permet la manipulation plutôt qu’une posture passive et l’entreprise peut s’en inspirer. « Nous avons des métiers très cérébraux, devant des écrans, alors que le mouvement permet d’acquérir des connaissances ». 

Florian fait le parallèle : « En période de scrum, tous les matins, nous procédons à un management visuel pour annoncer le ticket, c’est une manière plus concrète de travailler ». Un autre moment dans l’agilité s’apparente à cela : le fait de livrer régulièrement, puis de placer le produit dans les mains des utilisateurs, « ce que l’on appelle « se reconnecter à la réalité fonctionnelle. Bien sûr, ce n’est pas organique, mais cela permet de comprendre l’impact utilisateur, de nous reconnecter à ce que l’on fait, et de défaire le sentiment d’abstraction. Or, il faut bien le dire, le télétravail nous en éloigne un peu ».

Perrine Legal se souvient d’une expérience précédente dans le secteur de la beauté : « Du comptable au marketing, chaque salarié testait les produits que l’on commercialisait. Cette manipulation favorise une meilleure appréhension de son travail ». 

Être encadré et pouvoir (vraiment) se concentrer

Comme l’explique Amélia, certains clichés sur Montessori ont la vie dure, mais contrairement à une légende, les enfants ne sont pas livrés à eux-mêmes : « La méthode propose une discipline intérieure qui conduit à la normalisation de la classe, avec des rituels cadrés auxquels l’enfant peut se référer. C’est une discipline qui s’instaure dans la liberté. »

Dans la méthode agile, les coachs décentralisent quant à eux la prise de décisions, donnent de la responsabilité aux équipes, les autorisent à se tromper. Comme le montre Florian « On mesure ce que l’on fait : c’est ce qui crée le cadre. Et cela remet même parfois en cause le rôle du manager… » 

Dans la méthode Montessori, les intervenants présentent les activités de manière très codifiée : « Mais, pendant celle-ci, il ne doit pas intervenir. De plus, le matériel Montessori est autocorrectif, pour aider l’enfant à identifier seul son erreur », précise Amélia.

Parmi les principes Montessori qui peuvent s’appliquer à l’entreprise, celui de la concentration s’impose de lui-même ! « La concentration est vectrice de bonnes relations sociales et de paix au sein du groupe. Dans l’entreprise, elle génère aussi plus de performance ». 

Florian l’illustre à travers une équipe qu’il accompagne : « Les développeurs nous ont dit : « arrêtez de nous contacter de 14 à 16h30 sinon on ne peut coder correctement, car se remettre dans une tâche, cela prend du temps ». Donc le coach a décidé de couper tous les moyens de communication pendant ces 2 heures 30 tous les après-midi. Après cela, l’équipe a augmenté sa vélocité de 25 %. « Pour autant, il ne faut pas voir seulement la performance, mais surtout une demande humaine pour avancer dans son travail ».

S’il est difficile de se comparer à des enfants jusqu’à 6 ans, la méthode Montessori montre combien la notion de périodes sensibles, ou de cadre tout en ayant de la liberté, s’applique pleinement à l’entreprise…Cela mériterait encore quelques recherches et discussions !

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